Morning Routine
6 :20 – L’heure à laquelle de mélodieuses vibrations sonores rappelant le pays du soleil levant s’élevèrent dans sa chambre encore endormie.
D’un geste lent, encore un peu somnolente, elle chercha à tâtons l’objet du délit, celui qui venait de l’arracher bien trop abruptement à une douce somnolence… Trouvé ! Elle balaya l’écran afin d’interrompre l’alarme, avec soulagement, malgré la relative quiétude que dégageaient les accords de la sonnerie et en profita pour jeter un peu plus loin sur le lit le portable responsable de son réveil ; comme si, par ce geste, elle repoussait aussi un peu le début de la journée.
Elle s’allongea sur le dos et croisa les bras sur son ventre en fixant intensément un point invisible au plafond immaculé. Qu’attendait-elle au juste de ce blanc albâtre ? Simplement, une réponse à une question qui l’obsédait et qui ne la quittait pas. Au bout de quelques minutes, ses doigts se mirent insensiblement à pianoter sur le tissu ; d’abord tranquillement puis, à mesure que l’impatience et l’agacement grandissaient, de plus en plus frénétiquement.
Il lui fallut se rendre à l’évidence, aucune force magique ne semblait loger dans ce toit crayeux pour lui apporter, en élégantes lettres d’or, le graal tant espérer. S’en suivit, une séquence étonnante de deux gestes apparemment contradictoires. Dans un premier temps, elle poussa un long soupir – témoin d’une résignation douce – puis, elle se leva d’un bond comme si son corps avait été traversé par un courant électrique, l’élan donnant l’impulsion d’avancer.
Tout en se frottant les yeux encore à moitié clos, pas encore tout à fait arrachés à l’étreinte de Morphée, elle alluma machinalement la radio afin que le silence – qu’elle exécrait lorsqu’elle était seule – n’envahisse pas les moindres interstices de la pièce ; calmant ainsi ses angoisses du vide étouffant. Et, tandis que les voix de France Inter s’élevaient, comme éthérées, elle ouvrit les volets et fit coulisser la fenêtre qui donnait sur le jardin afin de laisser entrer les premiers rayons du jour naissant.
Après quelques instants à se laisser baigner par la pâle lueur, elle se retourna vers son téléphone et le dévisagea d’un œil noir… Décidément, voici qu’aujourd’hui il était porteur de tous les torts. Car oui, ce qu’il vous faut savoir c’est qu’il lui suffisait de s’en saisir, de pianoter un bref message ou, mieux, de tout simplement utiliser sa fonction première, à savoir appeler les gens, pour que sa réponse lui fut donnée au lieu de la chercher là où elle ne pouvait se trouver. Un simple coup de fil, un banal SMS et tout aurait été réglé.
Soupir, encore. Son visage se radoucit, après tout, elle ne pouvait blâmer qu’elle-même. Elle et son manque d’audace. Elle et sa crainte d’avoir le fin mot de l’histoire qui clôturerait à jamais cette interrogation. Tout le nœud du problème se résumait en cette formule : « le dénouement serait-il heureux ou pas ? ». Dans la peur de cette seconde alternative, elle préférait rester dans l’inertie, dans l’incertitude. Cette zone grise offrait le confort des espérances renouvelées qui, réciproquement, engendraient des souffrances proportionnelles. L’anxiété croissait dans l’attente d’un simple geste de sa part. Encore fallait-il que ladite personne en eut conscience.
Déambulant ainsi de questions en interrogations et d’interrogations en suppositions, son esprit commença à tisser une trame qui l’avait amenée bien loin de son point de départ. Elle ne fut tirée de ses divagations que par le pépiement des oiseaux sur lesquelles elle reporta son attention.
Tout en relevant nonchalamment ses longs cheveux bruns aux reflets roux à l’aide d’une petite pince, son regard se posa sur la table basse et plus précisément sur le paquet de Black Stone qu’elle avait ramené du Japon une décade auparavant ; vestige bien présent d’une époque à présent révolue. Curieusement, elle se surprit à vouloir fumer l’un des cigarillos…
Elle s’assit sur le rebord de la fenêtre, alluma l’extrémité incandescente de la cigarette la porta simplement à ses lèvres afin de ressentir la légère anesthésie goût cerise. Elle laissa son regard vagabonder dans le vide et se fixer bien plus loin que ce qu’offrait le panorama réel. Et, dans sa main, le cigarillo se consumait lentement, l’enveloppant d’effluves robustes, agréables et enivrants.
S’il l’on prenait quelques instants pour détailler ses traits on remarquait un visage marqué par les nuits trop courtes et une dette en capital sommeil grandissante… La faute à ces insomnies qu’elles se créaient elle-même. Malgré tout, elle conservait un visage gracieux et serein qui ne laissait rien transparaitre de la tempête intérieure qu’elle vivait actuellement.
Ainsi adossée, perdue ailleurs, ses lèvres dessinaient parfois un sourire mélancolique, laissaient échapper un murmure ou esquissaient un rire amer empreint de reproches envers sa personne. Ses yeux, quant à eux, pouvait tout aussi bien s’illuminer d’une éclatante étincelle, au souvenir de cette scène surréaliste – si lointaine, si proche pourtant – gravée dans sa mémoire que se border de larmes, qui ne couleraient jamais, lorsque que l’assaillaient les regrets et les « et si… ».
La raison de ses émotions antagonistes ? Toujours lui, une chimère d’antan, vieille de quelques années, brûlant souvenir qui la tenait éveillée des nuits entières. Il lui fallait penser à lui pour se persuader qu’elle ne l’avait pas rêvé. Elle entretenait sa flamme pour maintenir l’espoir, l’appelait dans un silence poignant mais nécessaire pour se maintenir en vie.
C’est, sa « Morning Routine » du cœur.
Lola Madeleine
Bravo
Cindy
Merci beaucoup !