Kevin Rouillard, Le Grand mur (Palais de Tokyo)
Bien que l’exposition Le Grand mur de Kevin Rouillard ne soit pas exempte d’un contexte géopolitique depuis longtemps tendu entre deux pays, ravivé par des propos récents, marquants, qui s’inscrivent dans la lignée des clivages antérieurs, elle ne s’y limite aucunement. Il lui confère tout de même son aspect représentatif et visuel: des installations grand format ayant toutes un rapport avec la séparation ou son atténuation.
Trois installations attendent le visiteur ; assemblages de plaques métalliques, pour chaque œuvre, identiques par la taille, similaires par leurs attributs et pourtant toutes sensiblement différentes Une répétition soudée qui compose ainsi trois « toiles » : deux monochromes (ou presque), noir (filigrane jaune) et jaune lumineux (filigrane noir), et un camaïeu aux teintes cuivrées, mordorées, argentées… éclatantes ou bien mates.
Si l’on se rapproche, on y perçoit des singularités, des traces, tantôt humaines tantôt naturelles, d’histoires passées individuelles … Marques de ces trajectoires antérieures – de construction et de déconstruction-, des empreintes de pas laissées là ou des éraflures comme témoins du passage des hommes, la lente oxydation, des identités numérales sérielles…
Ces surfaces riches de leurs vécus simulent des pages presque blanches, prêtes à recevoir de nouvelles histoires, de nouveaux récits que chacun se plaira à imaginer.
Ainsi, ce grand paravent noir métamorphose le métal en un objet de design où la séparation est temporaire, nécessaire et préserve la pudeur, l’intimité de chaque individu. Indéfiniment transportable et modulable estompant voire rompant l’isolement.
Ce panneau d’affichage sera-t-il l‘étendard d’un consumérisme de masse, le support d’une propagande bien pensée ou servira-t-il de medium à des causes engagées ? Quelle sera alors l’écart entre les promesses, les slogans, les thèmes visuels et la réalité ? Quel recul faudra-t-il prendre pour en mesurer toute la portée, pour apprécier l’impact, à plus ou moins long terme, d’attentes déçues ou, au contraire, idéalement concrétisées ?
Ce planisphère conceptuel (composé de plus de 200 plaques de métal) montre-t-il des divisions, des frontières brouillées ou bien infranchissables ? On y dessine des paternes, des chemins tout en pouvant y deviner, aussi, des altercations, des conflits, des mouvances. A l’instar de notre monde si instable, si fragile, si explosif.
Kevin Rouillard, Le Grand Mur
Palais de Tokyo – 13 Avenue du Président Wilson 75116 Paris
Exposition du 21 Février 2020 au 13 Septembre 2020